Si l'énergie 
transitionnait...

Lorsque l’on se fait des illusions, il faut en comprendre le sens.

La décarbonisation immédiate et à tout prix, c'est ce que les activistes du climat exigent en priorité absolue. Sinon, à leur dire, la civilisation s’effondrerait très vite.

Comment se manifesterait une réalité fondée sur cette illusion ?

En 2022, une énergie de 494 EJ (exajoule, 10+18 J) sous forme de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) a été consommée dans le Monde (137 222 TWh thermiques).

Le but déclaré des politiques climatiques de la plupart des pays est d’atteindre un net zéro carbone en 2050, soit dans un peu plus de 25 ans.Supposons que cette quantité soit entièrement remplacée par :

  • 20% de mesures d'économies,
  • 10% d'autres procédés ne pouvant pas être électrifiés et nécessitant d’autres solutions,
  • 70% devant être fournis par une électrification décarbonée.

Tenant compte que l’emploi de carburants entraîne généralement des rendements de 33% il s’agit de  produire 70% x 33% x 494 = 114 EJ par année sous forme de courant électrique.

Comme le montre l’exemple allemand, un réseau électrique n’est plus apte à la stabilité si les productions intermittentes participent pour plus de 30%-40% au « mix électrique ». Les moyens de transport, de stockage et de déstockage en sont les facteurs limitants.

Dans l’hypothèse de la construction de nouvelles capacités électriques, le mix pourrait être fait de :

  • 15% de solaire photovoltaïque avec des panneaux ayant un rendement de 200 W·m-2 et une implantation nette au sol de 80 % de la surface brute ;
  • 15% d’éolien terrestre (on-shore) ou marin (off-shore) avec des turbines de 5 MWp chacune ;
  • 10% d’hydraulique, biomasse, etc., additionnels ;
  • 60% de nucléaire.

Les quantités suivantes seraient à  mettre en service chaque semaine  au cours 25 prochaines années :

  • 20 km2 de photovoltaïque (puissance nominale de 3,2 GWp);
  • 341 éoliennes de 5 MWp (puissance nominale de 1,7 GWp) ;
  • 1,4 centrales nucléaires EPR de 1,6 GWe chacune (2,2 GWp).

Les investissements nécessaires pour ces seules installations de production pourraient s’élever à plus de 1000 milliards de francs par année. (1120 bn USD/a).

Il ne faut pas non plus oublier que le PV et l'éolien ont une durée de vie de 25 à 30 ans, tandis que les centrales nucléaires sont conçues pour une durée de 40, 60 ans ou plus. Il faudrait donc renouveler ce parc sitôt ce premier programme achevé. Sysiphe...

De plus, et en raison de l'intermittence du photovoltaïque et de l'éolien, il faut y ajouter des installations de stockage ou de substitution dont la puissance nominale doit être égale à celle qu’elles doivent pallier (loi des intermittences). Plus d'investissements pour encore plus d'équipements mal utilisés (non chiffrés ici). 

L'énergie nucléaire produit de l'électricité en continu ("courant en ruban") et ne nécessite pas de telles adaptations du système. Elle peut être rendue pilotable sous  certaines conditions.

Ces chiffres sont des ordres de grandeur et certainement erronés. Il ne tiennent pas compte d'une éventuelle croissance. Néanmoins, ils sont utiles pour prouver le caractère illusoire de la révolution énergétique proclamée.

Autre chose, non négligeable :Les combustibles fossiles doivent être utilisés pour rendre possible la construction d'équipements qui n’utiliseront plus de combustibles fossiles. Ce grand remplacement n’a pas du tout lieu actuellement car la demande énergétique primaire est encore à 88,7% couverte par les fossiles et ce taux ne baisse que de 0,27% chaque année (moyenne de 2017-2022).
Il faut encore développer l'exploitation de carburants fossiles afin de pouvoir s'en débarrasser un jour !

Pour mémoire, un exemple français :De 1978 à 1989, la France a mis en service 58 centrales nucléaires totalisant une capacité nominale de 50,46 GWe. Cette performance correspond à une croissance moyenne de 0,09 GW par semaine pendant cette période.   Ainsi, le monde entier devrait construire sa capacité nucléaire à un rythme correspondant à 25 fois celui de la France à cette époque, et ce sans discontinuer pendant 25 ans.   

Conclusion : No, we can’t !

Il faut se résoudre à prendre plus de temps pour décarboner et, faute de mieux, s’adapter au réchauffement climatique.

Une fois adaptés, soyons confiants que nos arrière-arrière-arrière-petits-enfants et leurs successeurs auront de bien meilleures idées.

Note : Les paramètres choisis pour ce calcul sont particulièrement optimistes.
Pour les pinailleurs qui souhaitent modifier les hypothèses sous-jacentes et jouer avec,
une feuille de calcul est disponible en téléchargement, sans garantie.

(MR / mars 2023)